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56 % des Gatinois viennent d’ailleurs. Quel est l’impact sur les élections municipales?

Ce billet fait partie d’une série traitant des facteurs de motivation aux élections municipales, extrait d’un essai réalisé dans le cadre du programme de MBA – concentration marketing de l’Université du Québec en Outaouais. Les données locales sont issues d’un sondage effectué de personne à personne dans des lieux publics et centres commerciaux, dans tous les secteurs de la ville de Gatineau, entre le 1er mai et le 2 juin 2018. Au total, 808 questionnaires ont été retenus pour analyse, pour une marge d’erreur de 3,5 %, 19 fois sur 20. (NB)

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Hypothèse 1Les gens qui sont plus enracinés (originaires ou habitant à Gatineau depuis plus de 10 ans) votent plus que les nouveaux arrivants

Dans les grandes villes, on note généralement un taux de participation plus faible aux élections municipales. Nous avons vu précédemment que le taux de vote dans les 100 plus grandes villes canadiennes pour les trois dernières élections municipale était d’à peine 36 %. Un des arguments qui explique ce fait est que plus la taille de l’électorat est grande, plus les électeurs considèrent que leur vote ne fera pas de différence sur les résultats de l’élection (Frandsen, 2002 cité par Breux, 2017). Toutefois, si cette théorie était vraie, elle aurait aussi une incidence sur le taux de participation aux élections provinciales et fédérales. Or, ce n’est pas le cas.

Une autre explication est que le sentiment d’appartenance et l’enracinement à la municipalité joueraient un rôle crucial sur le taux de participation aux élections. En effectuant une étude sur la participation politique des immigrants, croisée avec des données extraites de l’enquête nationale sur le capital social des Canadiens, Nakhaie (2006) a démontré l’importance de l’enracinement comme déterminant à la participation politique, et que cette incidence s’estompait au bout de 13 ans.

En utilisant comme échantillon nos huit villes québécoises, il semble se dégager une relation inversement proportionnelle entre le pourcentage de mobilité depuis cinq ans  (proportion de nouveaux arrivants dans une région entre 2011 et 2016) et le taux de participation aux élections municipales de 2017.

À l’exception de l’étude de Nakhaie en 2006 et celle de Dostie-Goulet en 2012, cette variable de mobilité ne semble pas avoir été considérée dans les études empiriques canadiennes portant sur la participation aux élections municipales. Pourtant, il s’agit d’un facteur qui, combiné à la taille et à la densité de la municipalité, pourrait permettre de mieux comprendre les raisons d’une abstention massive aux élections municipales et d’identifier des mesures afin de favoriser un meilleur taux de participation.

Notre sondage a révélé que plus de la moitié des Gatinois (56 %) ne sont pas originaires de Gatineau! Or, contrairement à notre hypothèse de départ, l’analyse de χ2 a démontré qu’il n’y avait pas de relation significative entre le fait d’être originaire de Gatineau et celui de voter aux élections municipales. Il y aurait toutefois une relation importante entre le nombre d’années vécues à Gatineau et la participation électorale municipale.  Si nous prenons les 56 % de répondants qui ne sont pas originaires de Gatineau, on note que ceux qui y habitent depuis plus de 20 ans votent 2,3 fois plus que ceux qui y vivent depuis 5 ans et moins. En fait, parmi les gens qui sont nouvellement arrivés (5 ans et moins) dans la région, seulement le tiers (32 %) ont dit avoir voté le 5 novembre dernier (alors que la moyenne de notre échantillon est de 59%).

On peut observer que c’est après avoir vécu entre 6 à 10 ans à Gatineau que les citoyens originaires d’ailleurs atteignent un niveau de participation équivalent à celui des personnes originaires de Gatineau (53 %), et après 11 à 20 ans qu’ils obtiennent un taux de participation dans la moyenne (59 % selon notre échantillon). Ces résultats corroborent ceux obtenus par Nakhaie (2006).

Breux et Al. (2014) ont aussi démontré qu’il existait une relation inverse entre l’augmentation de la population et le taux de participation aux élections municipales. Selon leur étude, une augmentation de 1 % de la population diminue le taux de votation de 0,17 point de pourcentage, et ils expliquent ce résultat par un manque de sentiment d’appartenance des nouveaux arrivants envers leur municipalité. Or, de par sa situation frontalière avec la Capitale nationale Ottawa, la Ville de Gatineau a connu un taux de croissance parmi les plus élevés du Québec au cours des dix dernières années. D’ailleurs, 21 % des répondants de notre sondage ont dit habiter à Gatineau depuis moins de 10 ans, ce qui représente près de 60 000 citoyens ou 40 000 électeurs potentiels.

Bien que selon Statistique Canada le taux de mobilité à Gatineau ne soit pas le plus élevé parmi les huit grandes villes étudiées, il serait intéressant de connaitre l’origine de ces nouveaux arrivants. Les régions de Montréal, Laval et Longueuil, par exemple, possèdent des taux de mobilité plus élevés que celui de Gatineau, mais comme ces villes sont très proches les unes des autres, l’enracinement dans ces municipalités pourrait-il se faire plus rapidement pour les nouveaux arrivants migrants d’une ville à l’autre? Selon Statistique Canada, par exemple, 30% des nouveaux arrivants à Gatineau entre 2011 et 2016 venaient d’une autre province canadienne, alors que la moyenne est de 4% à l’échelle du Québec. Ce qui est vraiment spécifique à notre situation frontalière.

De nombreuses mesures sont prises par la Ville de Gatineau pour favoriser l’accueil et l’accompagnement des nouveaux arrivants issus de l’immigration internationale, mais quelles sont les mesures prises pour accueillir les migrants venant d’autres régions du Québec et du Canada? Voilà un sujet qui mériterait d’être approfondi, et une autre piste d’intervention possible pour améliorer la participation aux élections municipales à Gatineau.

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